Le samedi 17 aoĂ»t, Ă l’AcadĂ©mie Marin de San Rafael, en Californie, le maĂ®tre instructeur HF Ito a dirigĂ© un Keiko dans la rĂ©gion de Bay Area (San Francisco) rendant visite Ă des pratiquants du Shintaido. 12 Ă©taient prĂ©sent le matin et 10 en après-midi Ă travers deux keiko, sur le thème : Ouvrir la porte du Perception : Muso-Ken. Compte tenu de son intention Ă rĂ©duire les voyages transatlantiques depuis son domicile en France et de ne visiter l’AmĂ©rique du Nord qu’une fois par an, il s’agissait probablement du dernier atelier d’Ă©tĂ© d’Ito Sensei en Californie du Nord. Pour certains d’entre nous, ce fait ajoutait une nuance subtilement poignante Ă l’enseignement profond et nuancĂ© de Ito Sensei. Sarah Baker et John Bevis ont documentĂ© l’atelier en vidĂ©o tout au long de la journĂ©e.
Le Keiko a commencĂ© par une forme d’Ă©chauffement qui Ă©tait nouvelle pour beaucoup d’entre nous. Connie Borden a prĂ©sentĂ© des mouvements basĂ©s sur la fin de la partie III du Taimyo kata qui se jette dans le dĂ©but de la partie I de Taimyo de celui-ci.
Ces mouvements s’appellent Embrasser le ciel (ho-ten-kokyu-ho), le corps tournant en rotation trois quarts (hokushin kokyu-ho), oodachi zanshin et kan ki). Ils concentrent la respiration (kokyu) dans un mouvement spiralique en tournant autour notre colonne vertĂ©brale dans notre ĂŞtre pour atteindre plus haut dans les cieux et plus basvers le centre de la terre. Nous avons Ă©tudiĂ© les contrastes dĂ©coulant de la crĂ©ation de petits cercles en dessous de nous, puis Ă ouvrir en verticale, en face et en diagonale de soi pour tracer de grands cercles et embrasser le ciel. En nous inclinant en gratitude, nous avons Ă©tudiĂ© la compression de l’air et de l’espace corporel du devant nous. Pour commencer le hokushin kokyu-ho, nous avons Ă©treint un arbre, puis nous nous sommes lentement Ă©largis dans cette relation, en faisant l’expĂ©rience du contraste entre le haut et le bas tout en continuant de nous concentrer sur la verticalitĂ© et la respiration lente et profonde. Notre main avant s’élevait avec les doigts et la paume de la main dirigĂ©s vers l’arrière, tandis que la main infĂ©rieure Ă©tait dirigĂ©e vers le bas et les trois quarts derrière nous, la paume de la main tournĂ©e vers l’intĂ©rieur.
Tout au long de ces mouvements, nous avons pratiquĂ© afin que nos yeux suivent nos mouvements, ultimement, le mouvement des yeux nous aide Ă traverser dans l’espace et Ă travers le temps. Dans le dernier segment, nous nous sommes ouvert Ă Ten avec les mains kaisho-ken vers le ciel, puis nous avons formĂ© un tsuki croiser devant la poitrine pour saisir ce qui nous attendait, en croisant les bras devant nous, nous nous sommes retrouvĂ©s dans la posture classique du karatĂ©, le kaiho-tai. Avec kan ki, partie I de Taimyo ouverture, nous nous allongions devant nous comme pour plonger dans l’ocĂ©an du ki et après avoir fait un dernier grand cercle autour de nous, nous avons laissĂ© l’énergie du ki atterrir dans ce nouvel espace, paumes des mains se refermant en tsuki. Nous avons ramenĂ© notre tsuki Ă nos cĂ´tĂ©s, laissant nos coudes derrière nous tout en approfondissant notre kiba-dachi (position d’Ă©quitation). Après avoir maintenu cette position pendant un moment pour permettre Ă nos corps de se sentir rĂ©chauffĂ©s, nous nous sommes tenus debout, laissant nos bras se dĂ©placer vers le bas sur les cĂ´tĂ©s de nos corps, les doigts ainsi dynamiser, pointant vers le bas. Après l’Ă©chauffement dĂ» Ă la respiration, aux torsions, Ă la spirale et Ă l’expansion, nous avons fini par nous sentir tout Ă fait droits et clairs, prĂŞts Ă Ă©tudier notre conscience de nous-mĂŞmes et Ă accroĂ®tre la comprĂ©hension des autres.
Avant de commencer la pratique physique, nous nous sommes assis en cercle et Ito Sensei a pratiquĂ© une conversation basĂ©e sur un document imprimĂ© Ă double face. Avec l’aide de Tomi Nagai-Rothe et de Nao Kobayashi pour la traduction, il a d’abord abordĂ© les diffĂ©rentes formes de ki. Allant du manque de confiance / peur (yowa-ki) Ă la dĂ©termination et Ă la disponibilitĂ© (tsuyo ki) ou dans la simplicitĂ© d’être (non-ki), de prendre soin de sa propre Ă©nergie (ki wo tutete) Ă ĂŞtre attentionnĂ© et attentif envers les autres (ki-kubari), et plus encore.
Le concept Ă©pineux de sak-ki, qui se traduit par la soif de sang ou l’intention de tuer, Ă©tait essentiel car il Ă©tait Ă©troitement liĂ© au deuxième segment de la discussion, le muso-ken. En pratique, nous travaillions le dĂ©veloppement de la sensibilitĂ© aux Ă©nergie se retrouvant ou provenant de derrière nous, en particulier, sur l’intention ou l’approche de quelqu’un souhaitant nous attaquer par derrière. Comme le dit Ito Sensei, mu-so peut ĂŞtre interprĂ©tĂ©, d’une part, comme signifiant «rĂŞve», «vision», «prĂ©monition» et «voyance», ou d’autre part comme quelque chose de «dĂ©phasĂ©e», «sans phĂ©nomène» et «vide» s’apparentant Ă l’absence totale de lumière ou de matière sombre.
On peut donc penser que Muso-ken utilise l’Ă©pĂ©e de perception, la dĂ©finition française donnĂ©e par l’instructeur gĂ©nĂ©ral du shintaido français Pierre Quettier. La pratique du matin et de l’après-midi s’est donc concentrĂ© Ă l’apprentissage d’une utilisation efficace de cette Ă©pĂ©e.
Nous avons commencĂ© par wakame kumite, l’initiateur utilisant un toucher de plus en plus lĂ©ger Ă un rythme s’accentuant et le rĂ©cepteur dĂ©veloppant une sensibilitĂ© de plus en plus affinĂ©e au contact et Ă la direction de l’Ă©nergie traversant le corps. Ito Sensei a soulignĂ© que le wakame est une chose que vous ne pouvez jamais croire avoir perfectionnĂ©e, c’est une chose Ă travailler pour le reste de votre vie – dans les relations, dans la famille, au travail et dans le monde.
L’essentiel de la pratique Ă©tait de dĂ©velopper la sensibilitĂ© avec le dos, de faire de tout notre dos un capteur (ou un ensemble de capteurs), comme un radar, dĂ©tectant et prenant conscience de ce qui nous arrive par derrière. Alors que nous cultivions la sensibilitĂ© envers quelqu’un venant de derrière, nous avons travaillĂ© sur deux modèles de pas diffĂ©rents pour recevoir l’attaque. L’un consistait Ă faire un pas en avant et lĂ©gèrement dĂ©calĂ© (avec le pied droit, par exemple), ouvrant un chemin Ă l’attaquant en faisant pivoter et en Ă©cartant lĂ©gèrement le pied gauche et en la «accueillant» pour qu’elle entre et passe dirigĂ© de la main gauche. Le deuxième consistait Ă faire un pas diagonale en arrière (avec le pied droit, par exemple), ouvrant un nouveau chemin en pivotant crĂ©ant un espace pour permettre Ă l’attaquant de passer, accueillant et exhortant le partenaire dans un mouvement Tenshingoso «E» de droite. Les deux techniques dĂ©veloppe la capacitĂ© de gĂ©rer l’attaque dans l’espace et dans le temps. Bien que Ito Sensei n’en ait pas beaucoup parlĂ©, les rĂ©cepteurs dans le kumite ont Ă©tĂ© encouragĂ©s Ă reconnaĂ®tre et Ă expĂ©rimenter les synchronisations A, B et C sur le spectre de rĂ©ponse, prĂ©coce Ă tardive.
Après avoir travaillĂ© sur la marche, les recepteurs du kumite ont pris les armes – soit un magazine enroulĂ© jouant le rĂ´le d’un bâton court, puis un boken ou un bokuto – et ont ajoutĂ© les mouvements gedan baraĂŻ et ha-so Ă leur rĂ©ception.
Quant aux assaillants, ils ont approchĂ© leurs partenaires kumite par l’arrière avec diffĂ©rentes techniques (et armes): en utilisant les premiers mouvements du kata Diamond Huit Cut, en s’avançant avec un mouvement de lance. Au cours du keiko de l’après-midi, Ito Sensei nous a fait subir des attaques d’Ă©pĂ©e dai jodan de derrière, pour finalement recevoir deux attaquants afin que nous puissions mesurer et gĂ©rer leurs Ă©nergies diffĂ©rentes. Entre les keiko, nous nous sommes retirĂ©s chez Jim et Toni Sterling pour un brunch potluck (pottelocke pour les QuĂ©bĂ©cois) qui est devenu une continuation du keiko par la communion sociale et une discussion philosophique.
Vers la fin du keiko en après-midi, Ito Sensei a parlĂ© de Tenshingoso en termes mĂ©taphoriques, apprĂ©ciant ses mouvements dans un retournement constant, comme nous pourrions le faire avec des chaussettes. Sur terre mais au-delĂ des limites de l’univers en tenant (shoko) notre planète avec bontĂ© et l’amenant Ă l’intĂ©rieur de nous-mĂŞmes. Enfin, il nous a confiĂ© des «devoirs» en solo, des mouvements Muso-Ken qu’il nous avait enseignĂ©s et nous a rappelĂ© que nous devons appliquer notre pratique du ShintaĂŻdo, en gĂ©nĂ©ral, Ă notre façon de penser la vie, la mort, et Ă notre façon de vivre nos vies dans le monde.